“Tom Joad “, nouvelle vidéo de PROKOP [folk / Strasbourg]

autoportrait
La scène se passe dans un café strasbourgeois, un pub de Hull, un porche du Delta… un lieu de hors temps ou peut-être de tous temps, à portée de courants rhénans croisant ceux de la Mitteleuropa, voisin d’un Northern estuaire tourné vers l’Océan ou des sudistes méandres qui enveloppent la Highway 61… au-delà des contextes et des époques, tout est affaire de silhouette, de la manière dont celle-ci habite l’instant, lorsque les mots s’installent dans l’écho des brouhahas antérieures.

Avec l’élégance de l’authenticité, la silhouette de Prokop incarne la musique qu’elle charrie. Ainsi, pour accompagner les mots qu’il pose dans la conversation, ses gestes s’accordent-ils naturellement au rythme intérieur, vif ou contemplatif, qui traverse ses chansons. Des mots qui s’ancrent au plus près des pensées qui traversent son regard, déclinant au fil des phrases la sincérité qui signe un songwriting soigné et intimement kaléidoscopique – quitte à sauter d’une langue à l’autre pour passer de la spontanéité à l’écriture. On songe qu’il est d’ailleurs probable que l’instant partagé nourrisse les pages manuscrites du récit que son répertoire fragmente à travers cette généreuse série de quasi-nouvelles à chanter.

C’est sans doute que la musique de Prokop n’est jamais détachée de la vie ; la sienne, la nôtre, celle que nous traversons en commun. Prokop est un chanteur folk donc. Folk pour tresser ses intimités avec celles de passés et d’ailleurs, bien sûr, plus ou moins récents, plus ou moins lointains, que ses chansons tutoient par amour bien d’avantage que par fascination. Folk comme cette musique embarquée dans un feedback transatlantique qui raccorde des deltas nourriciers. Folk comme cette voix claire et directe, qui s’offre à nu et livre ses paradoxes comme ils viennent. Voix de gorge et de coeur, d’une candeur désarmante même lorsqu’elle s’emporte ou s’abandonne, elle chante à la première personne, celle qui, plus que toute autre, réunit les destins.

Folk encore, comme cet instrumentarium de voyage, cordes pincées, frottées, grattées, strummées, parfois électriques, peaux et cuivre, bois de rose et bois brulé, un rien de métal… tout tient dans une malle ! Peut-être deux car la richesse des arrangements l’exige et que la musique est bien au centre de l’affaire.

Folk avant tout comme la liberté absolue d’embrasser tous les styles autour de chansons soignées : notes bleues, swing jazz, valses bastringues, country claudicante, mélancolies orchestrées, ballade poignantes ou abandonnées, électricité rock bien entendu, accents tropicaux pourquoi pas… qu’importe le flacon pourvu qu’on trouve l’ivresse de l’évidence.

Folk enfin comme une raison d’être et de forger un geste et un langage, au-delà du genre. Ce langage, Prokop l’a fait naitre aux confins de l’Angleterre arpentée de concert en concert, d’embardées en rencontres, remettant 150 fois le métier à l’ouvrage pour se pénétrer chaque soir un peu plus de ce qui s’y joue, jusqu’à trouver sa nature et se laisser glisser le long du Humber pour rejoindre le Rhin.

Le 27 novembre 2020 est sorti son premier album « The Confinement Tapes » (écouter ici). Dans cet album de reprises de chansons traditionnelles, il veut montrer que ces vieilles chansons sont toujours actuelles car on se les réaproprie en permanence. Jouées par les musiciens folks, ils se les passent de génération en génération et chacun en fait sa version avec ses propres arrangements. Pour Prokop, « On est songwritter folk qu’à partir du moment où on prend en compte ce qui a été écrit avant nous ». Cela lui tenait donc à coeur de débuter sa discographie par « The Confinement Tapes » avant un premier album de ses propres compositions. Avec un enregistrement et des arrangements « roots », Prokop est comme « à nu » sur ce disque dont le genre dominant est le folk, mais non sans lien avec le blues et la country aux inspirations diverses comme Bob Dylan, Bruce Springsteen, Johnny Cash ou encore Pete Seeger.